jeudi 23 janvier 2014

Festival PRÉSENCES ÉLECTRONIQUES 2014

A Paris du 28 au 30 mars 2014 


Vendredi 28
19h (Salle 400)
Maja RETKJE
21h (Nef Curial)
Francis DHOMONT
MIMETIC
Nicola RATTI
Mark FELL

Samedi 29
16h (Salle 400)
Christine GROULT + Beatriz FERREYRA
18h (Salle 400)
Pôm BOUVIER B.
Bertrand GAUGUET
20h (Nef Curial)
Bernard PARMEGIANI
MATMOS
Christian FENNESZ

Dimanche 30
16h (Salle 400)
Ottoann A
Esther VENROOY
18h (Salle 400)
Asmus TIETSCHENS
20h (Nef Curial)
Jean SCHWARZ
Xavier GARCIA + Lionel MARCHETTI
NURSE WITH WOUND



  

















AUBE 
"Le syndrome aquatique" 
Silentes Minimal Editions, 2008. 
Réédition de l'album "Aqua Syndrome" sorti en 1997, avec un deuxième CD de bonus live enregistrés en 1997, en Allemagne et au Japon.

L'intention de départ paraissait noble et chargée d'espoir : réaliser une musique à partir de sons naturels d'eau. D'eau qui coule à torrent, au goutte à goutte, en pluie, qui bouillonne, tourbillonne, qui ronfle quand elle suit son cours tracé dans le paysage.
Hélas une intention, aussi noble soit-elle, n'a jamais remplacé une solide réflexion sur l'architecture à donner à ses sons, même les plus beaux. Ici, le japonais Akifumi Nakajima, l'homme qui se cache derrière le projet Aube, a trop tourner avec un panel de sons réduit à un monomaniaque "glou-glou", plusieurs goutte à goutte et quelques ronflements liquides, resserre considérablement le champ des possibles et se retrouve contraint, le dos au mur, à se répéter et à accumuler les effets pour essayer de faire passer la pilule. Et que je te rajoute de la réverbération en veux-tu en voilà, et que je te noies les sons dans le delay et dans les grondements magmatiques (bonne idée mais le résultat est un peu court), et que je laisse tourner une boucle d'écho de goutte pendant cinq minutes comme dans la fin de "Aqua syndrome II" alors même que ce morceau est peut-être le meilleur moment de ce disque avec son superbe crescendo des cinq premières minutes... qui se termine donc, malheureusement par une accumulation de gouttes réduisant à néant et diluant l'effet de départ. A d'autres moments la matière utilisée est tellement rachitique que la pièce s'écroule avant même d'avoir pu entamer une quelconque élévation ("Refloatation" et ses 17 minutes).
Ce disque fait partie de ces œuvres à fort potentiel mais dont les promesses non tenues laissent un mauvais goût de ratage, une frustration à la hauteur de la déception, même si cela n'est pas dommageable à la qualité de certains autres disques de Aube à l'instar de son magnifique "Métal de métal" sorti seulement un an avant. Comme quoi le monsieur semble plus inspiré par le métal que par son éternel ennemi corrosif.

mardi 21 janvier 2014
















 

Alexandre Galand 
"Field recording : l'usage sonore du monde en 100 albums"
Collection Formes
Éditions Le Mot et le Reste, 2012.

Mais qu'est-ce donc cet anglicisme de plus se dit le novice quand il se retrouve devant ce terme au détour d'une chronique de disque. L'usage voudrait qu'on utilise le terme français "enregistrement de terrain" sans apporter plus de réponses aux questionnements de notre quidam précédent.
Quelques éclaircissements s'imposent en préalable et qui mieux que l'auteur du livre en question pourrait en parler : "Tout au long du vingtième siècle, des hommes ont parcouru le monde afin de capter des curiosités sonores pour des raisons scientifiques, patrimoniales et esthétiques. Ce sont des audio-naturalistes, des collecteurs de musique traditionnelle, mais aussi des compositeurs avides de découvrir un nouveau matériau musical. Les microphones sont leurs outils, voire leurs instruments, l'écoute est leur méthode d'approche." Les bases de la structure du livre sont posées, les deux grandes parties (une de présentation théorique contenant trois entretiens et une autre avec les fameuses 100 chroniques) seront séparées en trois chapitres recouvrant les trois orientations du travail d'enregistrement de terrain : "Capter les sons de la nature" - "Capter les musiques des hommes" - "Composer". L'auteur, docteur en Histoire, Art et Archéologie, arrive à capter l'attention, à faire aimer son sujet d'étude, tout en le replaçant, délicatement, dans le contexte des grands chambardements musicaux et scientifiques du vingtième siècle, avec la naissance de l’ornithologie, l'ethnomusicologie et la musique concrète. Le "field recording" est le fils naturel des révolutions technologiques et théoriques, comme si Pierre Schaeffer jonglait avec des Nagra. Bel exemple de vulgarisation scientifique, tout en gardant la rigueur en bandoulière, ce livre est un enchantement par le réservoir de découvertes qu'il procure, on saute de sons de grenouille américaine à un disque réalisé à partir des (micro)vibrations d'immeuble, tout en passant par les jeux de gorges des inuits, les brames des cerfs ou le chant de lacs gelés (réalisé avec des hydrophones). Plusieurs grands noms de la musique expérimentale sont là : Luc Ferrari, Steve Reich, Henri Pousseur, Alvin Lucier, Bernard Fort, Pierre Henry, Charlemagne Palestine aux cotés de plus jeunes mais pas moins talentueux : Lionel Marchetti, Francisco Lopez, Eric Cordier, Michael Gendreau, Bj Nilsen... Le champ des possibles est quasiment illimité, tant le monde qui nous entoure est source de sons, donc de musique selon les intuitions de John Cage et de la musique concrète !
Avec ce livre, au demeurant très bien écris chose assez rare pour être souligné, Alexandre Galand signe une très belle porte d'entrée à un genre méconnu mais qui devrait intéresser toutes les oreilles en quête d'horizons nouveaux et aventureux et en même temps ceux fascinés par le son sous toutes ses formes et que la radio (je pense, entre autres, à certaines émissions de Radio France comme les Nuits Magnétiques ou l'Atelier de Création Radiophonique) nous a déjà habitué à "montrer" d'une belle manière.

lundi 6 janvier 2014


















DANIEL MENCHE
"Glass forest"
Important records, 2008.

Le froid et le paysage qu'il génère m'ont toujours fasciné. La pétrification des objets et de la nature, la pureté blanche des étendues figées et le silence létal qui en résulte me procurent un sentiment, paradoxalement, de quiétude et de sécurité. Comme si le tumulte de la vie quotidienne et l'irrémédiable et compulsif saut en avant s'arrêtaient pour un instant, le froid imposant ses codes, son propre rythme, son appréhension de la vie, ses impératifs singuliers comme la goutte suspendu au bout du bout d'une stalactite. L'inconfort d'un climat froid implique des mécanismes de défense et d'adaptation qui bouleversent notre rapport à la nature et avec nos congénères, il impose une rigueur, des stratégies de survies et une coopération qui restent rivées à une stricte économie des ressources et des dépenses de tous les êtres vivants peuplant ces aires géographiques.
Dans la sphère des musiques expérimentales et plus particulièrement celles dont la thématique tourne autour du froid, ce "Glass forest" de Daniel Menche pourrait se placer comme un énième avatar d'une longue file indienne de productions. On peut citer "Amarok" ou "Wind" de Francisco Lopez, les productions de Thomas Köner comme son excellent "Permafrost" ou son dernier, le superbe "Novaya Zemlya", chroniqué ici même, "Portrait d'un glacier (Alpes, 2173m)" de Lionel Marchetti, la pièce "Vatnajökull" extraite du "Weather report" de Chris Watson, le "Baikal ice" de Peter Cusak, et on pourrait continuer pendant encore un moment cela ne prouverait qu'une seule chose, si jamais preuves devaient être apportées, que la musique expérimentale n'est pas restée de glace (hum!) devant les étendues glacées.
Tout naturellement ce "Glass forest" se place dans la lignée de ces productions pré-citées, comme si un climat ne pouvait produire qu'une typologie sonore bien définie, banal truisme me direz-vous ? Et pourtant d'un disque à l'autre d'étranges variations, différences, recompositions, déformations se confrontent, s'établissent et suivant que le compositeur "parlera" d'un glacier d'altitude et d'un autre se désagrégeant dans les eaux de plus en plus chaudes des océans, leurs vibrations et leur acoustique générale changeront du tout au tout. Petite précision, mais de taille, nous parlons ici d'une musique qui n'utilise que ce que les anglo-saxons appellent des "fields recordings", autrement dit des enregistrements de terrains, c'est à dire que les compositions qui nous sont données à entendre ne sont réalisées qu'à partir de prise de sons de glaciers, de tassements de neige, craquements de branches sous le poids de la neige, de paysages ou de foret en train de geler ou de dégeler comme dans ce "Glass forest" où dans le deuxième mouvement (l’œuvre comporte trois "mouvements" comme la forme "classique") on assiste à une véritable symphonie pour orchestre de gouttes, alors que dans le premier nous ressentions la lente fixation dans l'immobilité de géants verts, comme saisis et retenus par une force invisible qui les stopperaient net, leur vie encapsulée dans un exosquelette de verre.
Mais trop en dire serait sacrilège et conduirait à réduire à néant l'effet de surprise des différents déroulements de la musique de ce disque. Encore une fois et surtout pour ceux qui connaissent les (nombreux) précédents disques de l'américain, Daniel Menche arrive à captiver par son talent de composition et ce qu'importe les sources utilisées ou les thèmes abordés. Pour les amoureux des territoires de "verre" ce disque est un nouveau bloc de glace apporté à l'édifice.


dimanche 18 novembre 2012

Pierre Boulez et l'Ensemble Intercontemporain à Bordeaux


 
Pierre Boulez dirigera l'Ensemble Intercontemporain, en tant qu'orchestre invité et avec comme solistes la mezzo-soprano Christina Daletska et la violoniste Hae-Sun Kang.

Les pièces jouées :

Gérard Grisey - Modulations pour 33 musiciens

Brice Pauset - Vita Nova, sérénades

Philippe Manoury - Gesänge-Gedanken mit Friedrich Nietzsche

Pierre Boulez - Dérive 1 pour 6 instruments

Cela se passera dans la nouvelle salle "L'Auditorium" à Bordeaux (qui sera inaugurée en janvier de la même année) le mardi 19 février 2013 à 20h00.

Prix des places : de 8 à 35 euros

Réservations :  Opéra National de Bordeaux

Localisation :  9-13 cours George Clemenceau à Bordeaux.





mardi 13 novembre 2012

AIR "Le voyage dans la Lune"

















AIR
"Le voyage dans la Lune"
1 CD + 1 DVD
Aircheology/Virgin/EMI, 2012.

Le Voyage dans la Lune, oui vous avez bien lu, le film mythique de Georges Méliès sorti en 1902 et, fait étonnant pour être noté, première œuvre cinématographique à être classée au Patrimoine mondial de l'UNESCO. Oui je sais, en soi, ça n'a pas grande valeur et ne veut pas dire grand chose.
Cette bande originale concerne une version invisible de longue date, colorisée de la main de Méliès. On l'a cru perdue et fut retrouvée en 1993 à Barcelone, la bande ayant été très endommagée et quoi de plus normal pour une vieille dame âgée de 91 ans, une longue période de restauration fut décidée et c'est cette version colorisée restaurée qui fut présentée pour la première fois en ouverture du 64ème Festival de Cannes le 11 mai 2011. À l'époque de la sortie du film, les projections étaient toujours accompagnées d'un musicien sur scène mais pour cette première diffusion c'est une bande son originale, composée par le groupe AIR, qui fut utilisée et spécialement composée pour le film et enfin éditée cette année couplée à un DVD contenant le film.
Quoi de plus normal de prendre Air dont le penchant pour les ambiances rétro-futuristes n'est plus à prouver, car c'est d'un véritable retour vers le futur dont nous avons à faire. Ce qui d'emblée, comme le film est parfaitement muet, peut frapper c'est l'évidente adéquation des sons avec les images qui défilent devant nos yeux embrumés par la magie réelle et perceptible qui se dégage des presque seize minutes du "long" métrage. C'est un univers semblant venir de la nuit des temps pour notre époque où les images, prégnantes, ont envahie notre vie, nos pensées, nos représentations et nos affects. Quelles pouvaient être les réactions de nos ancêtres devant ces personnages animés d'une vie propre, extérieurs à eux-même ? Quelles croyance tenaces, quelles convictions, quelles pensées furent mises en échec par ces images ? Quelles interrogations métaphysiques ont pu naître devant le propos du film, même si tout ça reste de la comédie ? Car c'est peut-être là l'autre aspect intéressant du film, outre le parti-pris artistique purement formel, nous avons l'impression de voir s'étaler devant nous une foule d'indications sociologiques sur comment vivaient des gens du début du vingtième-siècle avec leurs représentations, leur tics face à l'adversité, leurs valeurs et leurs organisations sociales. Mais quid de toutes ces questions, je vous laisse seul juge devant ce que vous verrez, si jamais j'avais fait naître en vous l'envie de le voir. Revenons à nos moutons versaillais !
La musique de Air, fidèle à elle-même, mêle l'ancien et l'actuel avec une maestria rarement entendu. La production affûtée et ciselée, façonne certains morceaux comme des blocs de temps échappés d'un bout des années 70 mais avec toujours ce petit plus non reconnaissable qui lui donne un air (hum!) contemporain. Collant parfaitement aux images, elle les fait ressortir dans leur beauté presque nue, sans surcharger la narration, sans en rajouter dans le surlignage, les voix étant utilisées à dose homéopathique, ce sont les rythmiques analogiques, les accords de piano graves ou l'électronique "moogienne" qui se charge de relever la sauce. Comme dans chaque album de Air il y a aussi une ou plusieurs bombes qui dès les premières notes vous change le visage, faisant naître un petit rictus approbateur doublé de petits mouvements de tête et des doigts de pieds et ici pour ce qui nous concerne, ce sera au choix, c'est selon, les titres "Parade", "Sonic armada" ou "Cosmic trip" véritables hymnes rétro-futuristes coincés entre un vieux Kraftwerk, le Gainsbourg de Melody Nelson et une espièglerie à la François de Roubaix, une cavalcade par dessus les épaules du psychédélisme et de la new-wave.
Une belle musique, simple mais pas simpliste, évidente mais chargée d'émotions accompagnant un film historique et touchant qui vous ferrons passer une soirée charmante et agréable comme un bon feu de cheminée. Recommandé par tonton Mangetout !!!

lundi 12 novembre 2012

David Sylvian & Holger Czukay "Plight & Premonition"


David Sylvian & Holger Czukay
"Plight & Premonition"
Virgin, 1988.


David Sylvian fasciné, dans ces années 80 finissantes, par les créateurs pop les plus en pointe des années 70, après avoir collaboré avec Robert Fripp ou Jon Hassell sur ces précédents albums, réalise un genre de rêve pour toute cette génération de jeunes gens issus de la new-wave, réaliser un album avec le bassiste du mythique groupe allemand CAN et qui plus est l'enregistrer dans leurs non-moins mythiques studios à Cologne sur leurs terres allemandes.
Improvisé et enregistré en deux nuits, sûrement dans ces régions temporelles ambivalentes où le sommeil veut s'imposer et contre lequel le cerveau et les muscles produisent quantité de défenses afin de lutter contre ses doux et insistant appels.
Car ce qu'on entend dans ces deux pièces de près de vingt minutes, binôme en rappel au bon vieux temps des longues fresques du rock allemand, est d'une évanescence, d'une transparence et d'une fluidité qui fait penser aux sentiments que l'on peut ressentir lorsque dans cette phase très particulière entre la veille et le sommeil léger notre conscience par encore totalement endormie capte des stimuli extérieurs, les intègres, les ingères et leur fait jouer un rôle autre, comme un événement accidentel qui s’insérerait dans le scénario d'un film en plein tournage, état hypnagogique propice aux hallucinations et autres troubles sensoriels.
Confortablement allongé sur un matelas électronique ondulant, nous entendons défiler tour à tour les fréquences d'une radio imaginaire ou réelle, les voix de communications dans une langue que l'on devine venant de l'est, mais que bizarrement nous ne connaissons pas et quantité d'autres événements non identifiés, vrilles bruitistes mais non agressives, fantômes sonores, nappes brumeuses, cliquetis, télégraphe venant d'un autre monde, déraillements harmoniques abruptes, flûtes "volantes", piano déformés, cordes masquées, filtrées par on ne sait quel filtre.
Nous passons en moins de quarante minutes un véritable rêve éveillé au milieu de quantité de corps sonores dont les provenances nous auraient été cachées. Un bien beau voyage dont l'étape discographique suivante, avec toujours les même intervenants (plus d'autres membres de CAN), nous parlera de flux et de mutations.