AIR
"Le voyage dans la Lune"
1 CD + 1 DVD
Aircheology/Virgin/EMI, 2012.
Le Voyage
dans la Lune, oui vous avez bien lu, le film mythique de Georges
Méliès sorti en 1902 et, fait étonnant pour être noté, première
œuvre cinématographique à être classée au Patrimoine mondial de
l'UNESCO. Oui je sais, en soi, ça n'a pas grande valeur et ne veut
pas dire grand chose.
Cette bande originale concerne une
version invisible de longue date, colorisée de la main
de Méliès. On l'a cru perdue et fut retrouvée en 1993 à
Barcelone, la bande ayant été très endommagée et quoi de plus normal pour une vieille dame âgée de 91 ans, une longue période de
restauration fut décidée et c'est cette version colorisée
restaurée qui fut présentée pour la première fois en ouverture du
64ème Festival de Cannes le 11 mai 2011. À l'époque de la sortie
du film, les projections étaient toujours accompagnées d'un
musicien sur scène mais pour cette première diffusion c'est
une bande son originale, composée par le groupe AIR, qui fut
utilisée et spécialement composée pour le film et enfin éditée cette année couplée à un DVD contenant le film.
Quoi de plus normal de prendre Air dont
le penchant pour les ambiances rétro-futuristes n'est plus à
prouver, car c'est d'un véritable retour vers le futur dont nous
avons à faire. Ce qui d'emblée, comme le film est parfaitement
muet, peut frapper c'est l'évidente adéquation des sons avec les
images qui défilent devant nos yeux embrumés par la magie réelle
et perceptible qui se dégage des presque seize minutes du "long"
métrage. C'est un univers semblant venir de la nuit des temps pour notre époque
où les images, prégnantes, ont envahie notre vie, nos pensées, nos
représentations et nos affects. Quelles pouvaient être les
réactions de nos ancêtres devant ces personnages animés d'une vie
propre, extérieurs à eux-même ? Quelles croyance tenaces,
quelles convictions, quelles pensées furent mises en échec par ces
images ? Quelles interrogations métaphysiques ont pu naître devant
le propos du film, même si tout ça reste de la comédie ?
Car c'est peut-être là l'autre aspect intéressant du
film, outre le parti-pris artistique purement formel, nous avons
l'impression de voir s'étaler devant nous une foule d'indications
sociologiques sur comment vivaient des gens du début du
vingtième-siècle avec leurs représentations, leur tics face à
l'adversité, leurs valeurs et leurs organisations sociales. Mais
quid de toutes ces questions, je vous laisse seul juge devant ce que
vous verrez, si jamais j'avais fait naître en vous l'envie de le
voir. Revenons à nos moutons versaillais !
La musique de Air, fidèle à
elle-même, mêle l'ancien et l'actuel avec une maestria rarement
entendu. La production affûtée et ciselée, façonne certains
morceaux comme des blocs de temps échappés d'un bout des années 70
mais avec toujours ce petit plus non reconnaissable qui lui donne un air (hum!) contemporain.
Collant parfaitement aux images, elle les fait ressortir dans leur
beauté presque nue, sans surcharger la narration, sans en rajouter
dans le surlignage, les voix étant utilisées à dose homéopathique,
ce sont les rythmiques analogiques, les accords de piano graves ou
l'électronique "moogienne" qui se charge de relever
la sauce. Comme dans chaque album de Air il y a aussi une ou
plusieurs bombes qui dès les premières notes vous change le visage,
faisant naître un petit rictus approbateur doublé de petits
mouvements de tête et des doigts de pieds et ici pour ce qui nous
concerne, ce sera au choix, c'est selon, les titres "Parade", "Sonic armada" ou "Cosmic trip"
véritables hymnes rétro-futuristes coincés entre un vieux Kraftwerk, le
Gainsbourg de Melody Nelson et une espièglerie à la François de Roubaix, une cavalcade par
dessus les épaules du psychédélisme et de la new-wave.
Une belle musique, simple mais pas
simpliste, évidente mais chargée d'émotions accompagnant un film
historique et touchant qui vous ferrons passer une soirée charmante et agréable comme un bon feu de cheminée.
Recommandé par tonton Mangetout !!!