jeudi 8 novembre 2012

Iancu Dumitrescu/Ana-Maria Avram "Mnémosyne et autres pièces"
















 Iancu Dumitrescu/Ana-Maria Avram
"Mnémosyne et autres pièces"
Artgallery, 1995.


Compositeur et chef d'orchestre, Iancu Dumitrescu est né en 1944 en Roumanie, diplômé du Conservatoire National de Bucarest et a été élève du compositeur et prestigieux chef d'orchestre Sergiu Celibidache (mort en 1996). Ana-Maria Avram, née en 1961 en Roumanie elle aussi, est pareillement diplômée du Conservatoire National de Bucarest ainsi que de notre vénérable Sorbonne.
Ces deux compositeurs ont longtemps représenté les deux têtes de pont d'une certaine avant-garde roumaine, alliant radicalité et novation dans le sillage de l'Ecole Spectrale (Grisey, Murail...).
Les six compositions présentes sur ce disque (trois par compositeur) ont toutes en commun une certaine recherche poussée sur le son et sa (dé)composition.
De raclements sourds en avalanche de percussions, de climats sombres et expressionnistes en résonances lentes et profondes, nous baignons tout au long de ces soixante-dix minutes, dans un magma incandescent, agité de soubresauts frénétiques.
Nous avons droit au long étirement du matériau sonore à la limite de la rupture de "Mnémosyne" (la déesse de la mémoire dans la Grèce antique) pièce maitresse du disque dans laquelle les sons saturés de la flûte et du saxophone rivalisent en férocité avec les percussions et le timbre métallique du piano préparé. Cette composition est un peu l'exemple idiomatique des idées acousmatiques chères à François Bayle appliquées à des sources non électroniques ou bruitistes. Les provenances sonores sont tellement masquées, filtrées par les agencements de compositions qu'on ne sait de quel instrument sortent les sons qui occupent l'espace.
Plus loin, les percussions de "Impulse" se déchaînent et ne laissent que leur empreinte magnifiée par les résonances amples et profondes sur lesquelles planent les mouvements furtifs de la flûte. Un morceau à l'atmosphère mystérieuse et éclatée.
Ailleurs, avec la pièce "Clusterum" pour percussions, nous assistons au va-et-vient d'une charge de cavalerie, entrecoupée de fracassantes décharges de coups de canons en cascades, du moins c'est ainsi que nous l'interprétons.
Quand aux pièces pour flûte (dont une pour percussions et flûte) d'Ana-Maria Avram, elles sont le théatre de longues prises de respiration avant le souffle dans l'instrument procurant un haletant plaisir en même temps qu'un "présence", une aura spirituelle soufflant sur les ténèbres de l'humanité ("Quatre études d'ombres"). Souvent seul, l'instrument à vent démultiplie les plans, superpose les timbres dans un climat irréel.
Musique sèche et volontairement abrupte, ne laissant aucune place au frivole et à l'accès facile, l'auditeur doit s'investir totalement dans ces univers exaltants pour en saisir les contours étranges et en retirer toute la pulpe.

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