mardi 6 novembre 2012

Conrad Schnitzler "Charred machinery"

















Conrad Schnitzler
"Charred machinery"
Artgallery, 1995.

A l'heure où certains labels (Captain Trip, Bureau B) ont déjà commencé un programme de rééditions de certaines de ces anciennes productions, il me paraît de bon ton de revenir sur la musique de ce personnage atypique et légendaire dans le monde en ébullition des musiques électroniques qu'était Conrad Schnitzler.
Mais par où commencer, tant son énorme production pourrait décourager le quidam qui, soudainement pris d'une envie irrésistible, voudrait jeter une oreille, voire deux, sur un disque, pris au hasard, afin d'en retirer un avis péremptoire. Car c'est là où le bas blesse, dans notre belle modernité vacillante, la vitesse étant devenu une valeur refuge, plus personne ne s'arrête un moment pour faire le point, goûter le temps qui passe ou même regarder ce qui, sous nos yeux, est parfois d'une évidence criante. Il faut engranger un maximum d'informations, sans même songer à en retirer quelque chose de personnel, l'impératif catégorique s'imposant à nous de découvrir et décrypter tout ce qui s'offre à nous, souvent sans avoir produit le moindre effort pour ciseler des outils afin d'avoir un point de vue singulier.
Pourquoi ce «Charred machinery» plutôt qu'un autre me direz-vous alors ? Il nous suffit de télécharger en trois fichiers distincts l'intégrale de ses plus de 100 albums et piocher au hasard, pour, si ces pioches ne nous plaisent pas, jeter à la poubelle l'ensemble d'une œuvre qui aura mis près de 50 ans à être produite. Et oui nous en sommes là !
Pour l'avoir découvert lors de sa sortie en 1995 au milieu d'autres de ses albums, je me suis aperçu, dix-sept ans plus tard, que c'était celui-là qui repassait le plus souvent sur ma platine. Pourquoi ? Un semblant d'explication, a posteriori, et si explication il doit y avoir, pourrait être avancé dans le fait que les 64 minutes de ce disque se découpent en trois plages d'égales longueurs dépassant toutes les vingt minutes. Explication un peu courte j'en conviens mais qui a son importance pour celui qui reste sensible aux idées de construction, de développement d'atmosphère, de complexification des variations et autres babioles de ce genre, dépassées aujourd'hui mais qui étaient prégnantes à l'époque de l'enregistrement de ces pièces (elles sont issues de cassettes auto-produites sorties dans les années 70). Autre point qui saute à la figure quand les premiers sons arrivent aux oreilles de l'auditeur c'est la puissance et l'atmosphère pas foncièrement propre et détendue dirons-nous. Car s'il est un point commun à nombre de ses productions c'est son souci personnel de produire une musique impactueuse et qui ne laisse pas de marbre.
Ainsi la première des trois pièces, la bien-nommée «Symphonia mecanica», commence par une séquence, jouant sur l'apparition/évanouissement, baignée dans la réverbération, tandis que ça et là apparaissent moult événements électroniques non-identifiés, se superposant, se contrariant ou s'harmonisant. Au fur et à mesure de la progression toutes ces sources se voient salies par on ne sait quels agressions, comme ces belles constructions métalliques humaines qui, laissées à l'abandon, se retrouvent quelques années plus tard transformées radicalement et dont les surfaces, sous l'action de l'oxydation, se sont mises à produire une couleur et une texture granuleuse qui en font de véritables œuvres d'art naturelles. C'est cela que vous trouverez dans ce disque, parfois elles exprimeront des impressions très «terriennes» à d'autres moment il vous semblera reconnaître un satellite ou une sonde spatiale laissés à leur triste sort d'errance cosmique (la «kosmisch musik» était à l'honneur à l'époque). Nous sommes très proche de ces musiques qui se nommeront plus tard «industrielles», la sophistication et l'ampleur du son en plus, le monsieur jouant sur du matériel analogique pur sucre.
Voilà, rajouter que les thématiques abordées ou les interprétations c'est selon, me touchent plus particulièrement sur ce disque là pourrait être une piste de réflexion supplémentaire, ayant toujours été attiré par les objets laissés à l'abandon par la civilisation ou pire les endroits hostiles où l'homme, contraintes oblige, n'a pu mettre ses pieds et le reste que très modérément et vous avez au final un bon cocktail d'écoute au casque plongé dans le noir avec les frissons qui vont bien.

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