mercredi 25 mars 2009

Tristan Murail "Portrait"


















Tristan Murail
"Portrait"
UNA-CORDA/ACCORD, 1995.


Tristan Murail est né au Havre en 1947 et a suivi la classe de composition d'Olivier Messiaen au Conservatoire de Paris. Il a été, dans les années 70 - aux cotés d'autres figures comme Gérard Grisey, Michael Levinas ou Hugues Dufourt - le grand propagateur et chef de file de la musique dite "Spectrale", basée sur l'étude des propriétés physiques et acoustiques du matériau sonore, il a en outre publié de nombreux articles théoriques sur l'acoustique et l'informatique musicale.
La première pièce qui compose ce "Portrait" est aussi sa première composition, ce "Couleur de mer" (1969) évoque une atmosphère étouffante où des amas de cuivres et de titanesques percussions viennent se briser violemment sur d'oppressantes cordes. Il n'est pas incongru d'évoquer son aspect impressionniste ou comme le dit l'auteur nous assistons aux ondulations de "Le mer telle que je la voyais au Havre : mer profonde et sauvage".
"L'attente" (1972), superbe pièce longiforme et horizontale, fait de flux et de reflux, de tension et de détente, nous fait palper l'attente passionnée de LA personne, telle une caméra subjective nous croyons l’apercevoir au détours d'une rue et aussitôt les instruments s'agitent, le cœur bât la chamade, le sang frappe aux tempes et puis non finalement, erreur, confusion... pour de nouveau retomber dans l'attente.
"Treize couleurs du soleil couchant" (1978) ou le changement imperceptible et progressif d'une longue trame, dérive de matière, bouillonnement interne comme si des forces faisaient bouger une coque externe sans pouvoir s'échapper. Aux violon et clarinette saturés répondent glissandos et notes étranges sortant d'instruments non identifiés comme si leur timbre avait été génétiquement modifié. Musique solaire, cosmique aux couleurs fauves, imbrication de micro et macro évènements.
"Attracteurs étranges" (1992) est une pièce commandée à l'occasion du 70ème anniversaire de Iannis Xenakis, peut-être le véritable père spirituel de cette fameuse école spectrale. Composée pour violoncelle seul, le résultat est étonnant pas la variété des sonorités sortant de l'unique instrument. Il se dégage de cette musique des figures géométriques d'une rare beauté comme un hommage vibrant au plus mathématicien des musiciens et plus musicien des mathématiciens.
Le disque se termine par la fascinante "Barque mystique" dont le titre emprunté à une série de peintures pastels d'Odilon Redon résume bien l'esprit autant symbolique qu'abstrait, l'univers maritime semble là à porté de main et tout se brise, comme le déroulement des séquences d'un rêve dont les parties ne semblent pas correspondre les unes aux autres mais dont l'ensemble, par recul, fait ressortir la véritable cohérence quasi horlogère. Piano grave et percussif... brisure... silence... résonances... barque mystique sur mer énergique... beauté symbolique... beauté tragique.
Les cinq pièces de ce disque présentent des époques et des tempéraments différents et éclectiques comme pour résumer l'évolution du compositeur, avec forcément les aléas liés à ce genre d'exercice dont le raccourci n'est pas le moindre. Mais il présente aussi une bonne porte d'introduction à l'univers contrasté et énergique de ce compositeur français.

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